La force d’auto-guérison de chacun
Propos recueillis par Raïssa Blankoff, naturopathe
Sussana Czeranko en est persuadée : « la naturopathie s’appuie sur la force d’auto-guérison de chacun et sur le pouvoir de guérison de la nature : l’air, le feu, la terre, l’eau et les plantes, qui seraient efficaces pour permettre au corps humain de retrouver une harmonie.
Autrefois, les naturopathes disaient que lorsqu’on viole les lois de la nature, on tombe malade. Il s’agit, pour aider un patient à retrouver une bonne santé, de mener une enquête sur les causes de sa maladie, qu’elle soit chronique ou aigüe. La naturopathie s’attache à restaurer l’homéostasie, un processus physiologique permettant de maintenir certaines constantes du milieu intérieur de l’organisme nécessaires à son bon fonctionnement. Prenons la fièvre, par exemple. La fièvre, en général, est un « effort de la nature » pour éliminer les toxines. C’est une réaction aigüe qui permet souvent au corps de se débarrasser d’un intrus, d’une bactérie ou d’un virus. Si on empêche ce mécanisme d’auto-régulation de se faire, le corps va tenter de le répéter à plusieurs reprises et s’il se trouve toujours autant empêché, son alerte se chronicise, et on tomberait alors dans la maladie chronique. Le corps s’exprime et il est important de l’entendre et de le comprendre.
Voici un exemple de maladie devenue chronique : la diarrhée. La diarrhée est l’effort du corps pour éliminer un virus ou une bactérie et restaurer un système digestif normal. Si on empêche la diarrhée avec des médicaments, on ne supprimerait pas la cause de la diarrhée, mais on aurait plutôt tendance à pousser le corps à relancer l’alerte un peu plus tard. Pourquoi ? Parce que ce que le corps cherche à éliminer est toujours dans le corps. La naturopathie accepte l’expression aigüe du corps, elle l’encourage parfois même, elle pousse les symptômes à parler, plutôt que de chercher à les faire taire, tout en accompagnant le processus de restauration de l’homéostasie.
Le Dr Henry Lindlahr (1862–1924), médecin et naturopathe américain, auteur de livres clés sur la médecine naturopathique, a établi des définitions précises des maladies aigües et chroniques. Selon lui, la maladie chronique est le résultat de la suppression répétitive des épisodes aigus. Une pathologie chronique peut se déclarer dans des systèmes différents de ceux dans lesquelles la maladie aigüe s’est manifestée plusieurs fois. Par exemple, un problème intestinal aigu peut déclencher un problème de peau ou de mycoses vaginales. Pour guérir, il convient de laisser les premières maladies s’exprimer jusqu’au bout. Les médicaments effacent les symptômes, alors qu’on doit plutôt encourager le corps à utiliser ses ressources propres ou l’eau, les plantes alentour, la respiration, le sommeil, pour retrouver sa vitalité et sa capacité d’auto-guérison. C’est exactement l’inverse de ce que propose la médecine allopathique (= qui englobe les traitements médicamenteux et les médecines naturelles telles que la phytothérapie ou l’aromathérapie par exemple). »
Que guérit la naturopathie ?
Quelles sont les pathologies qui se résolvent efficacement et facilement grâce à la naturopathie ?
Sussana Czeranko poursuit : « Parlons de la constipation qui est un problème vieux comme le monde et qui concerne tant de personnes. C’est un problème compliqué car il est lié à différents facteurs. Mais justement, c’est une aubaine pour la naturopathie qui aime regarder le corps dans toutes ses composantes : le mode de vie, l’environnement, les allergies, les parasites, les bactéries pathogènes, etc… Le naturopathe-enquêteur cherche les causes de la constipation. Il posera beaucoup de questions : depuis combien de temps cette constipation s’est installée ? Y a-t-il eu un événement déclencheur ? Quelle est l’alimentation de la personne ? Est-ce qu’elle mâche bien ? Boit-elle suffisamment ? Est-ce qu’elle fait autre chose en mangeant (télévision, ordinateur, etc.) ? Est-ce qu’elle mange suffisamment de fibres ? Quelle est la fréquence de ses selles ? A quoi ressemblent-elles ? Il laissera le temps au patient pour s’exprimer sur ce sujet qui n’est pas toujours facile à aborder et sera attentif à ne pas poser de questions qui guideraient des réponses déterminées, la question restera toujours ouverte.
Je demande toujours au patient de tenir un journal de son alimentation. Ce journal est utile pour moi : il va m’aider à poser des questions : pourquoi vous ne prenez pas de petit-déjeuner, pourquoi mangez-vous si tard le soir, pourquoi n’allez-vous jamais aux toilettes hors de chez vous, etc… Ces problèmes de constipation ont existé de tout temps, même quand il n’y avait pas de produits chimiques et moins de stress chronique. On trouve beaucoup de littérature sur le sujet. La gestion du stress est très importante dans la constipation. Je demande à mes patients s’ils sont heureux dans leur vie, ce qui est le cas de… 10% des personnes. Vous allez rire, mais ça a un rapport avec la constipation ! Ensuite, nous voyons les remèdes en fonction des informations recueillies. Je peux suggérer de consommer plus de fibres, de légumes, plus de bonnes huiles (noix, colza…), plus d’eau, en particulier au réveil, moins d’aliments industrialisés car ils sont remplis de conservateurs et moins de stress. Je recommande de fuir les toxiques, ce que fait aussi la médecine environnementale, de drainer l’organisme, et le foie en particulier, des toxiques alimentaires et environnementaux (tissus et peintures de maison, exposition à l’air pollué) car tous ces toxiques affectent le tractus digestif et l’encombrent : ils ralentissent le métabolisme. Je me sers des plantes à visée hépatique, de l’hydrothérapie, des purges, de cures de détoxification, du jeûne, du sauna. »
La naturopathie peut vraiment aider la femme, notamment dans le domaine des règles douloureuses et au moment de la périménopause. Quels sont ses outils ?
« Si une femme est très stressée dans sa vie, elle vivra l’arrivée en ménopause comme une transition difficile, voire comme un choc. La première chose à faire est de l’aider à gérer son stress, dès le plus jeune âge. Il faut donner aux femmes des outils qu’elles pourront utiliser seules, dans toutes les situations. La respiration est sans doute le meilleur outil : elle aide à normaliser la biochimie du corps, son pH, et permet de cheminer vers la ménopause en douceur. En ce qui concerne les règles douloureuses, la bonne santé du foie est déterminante. Une bonne digestion détermine une bonne qualité du sang. L’eau tiède est favorable au système endocrinien. Elle l’aiderait car le bain refroidit petit à petit et cette baisse de température progressive joue un rôle positif. Les compresses froides sur le foie ou sur d’autres parties du corps sont utiles également. En réalité, avec l’eau, les plantes, la boue, on peut se vanter de très beaux résultats.
Aujourd’hui, les femmes réclament des hormones de substitution aux USA et au Canada, alors que la naturopathie se débrouille très bien sans ces médicaments aux effets parfois iatrogéniques (= effets secondaires occasionnés par des traitements médicaux). On jette aux oubliettes une médecine qui était si puissante, c’est tellement dommage. On oublie que l’eau était précieuse puisqu’on l’a sous la main, ce qui n’était pas le cas avant. Même si l’eau est maintenant si abondante et gratuite, ce n’est pas pour cela qu’il faut oublier son pouvoir extraordinaire. Pour normaliser le cycle et notamment le flux des règles, il suffit parfois juste de faire quelques bains de siège froids. On obtiendra en plus un effet calmant sur la douleur ainsi qu’un rééquilibrage hormonal et neurovégétatif. »
La naturopathie en complément de la médecine traditionnelle
La naturopathie s’affiche volontiers comme une médecine complémentaire : qu’apporte-t-elle de plus en tant qu’accompagnement lors d’une prise en charge par la médecine classique, par exemple dans le cas de la maladie cancéreuse ?
« Les Cancer Treatment Centers of America (= les centres de traitement du cancer d’Amérique) regroupent des médecins naturopathes et des cancérologues de formation classique. Ces centres existent depuis 30 ans, ce qui signifie que la naturopathie a acquis une place au sein l’hôpital. Ce sont tous des soignants capables de comprendre les interactions des traitements naturels et allopathiques. C’est une médecine très personnalisée qui recherche la combinaison idéale pour le patient, à un moment donné. Il est connu et reconnu aujourd’hui qu’il n’y a pas un seul traitement, mais des centaines de traitements, ce qui permet aux patients de bénéficier de la meilleure prise en charge. De très nombreux naturopathes participent à la lutte contre le cancer. Ils sont habilités à compléter le traitement de l’oncologue. La naturopathie est une médecine à part entière. Au Canada, plus de la moitié des médecins travaillent main dans la main avec les naturopathes. La naturopathie a sa corporation, sa pratique est régulée et encadrée, elle est soutenue par le gouvernement, elle possède un cadre législatif, ce qui signifie qu’un patient peut porter plainte. C’est le cas dans six provinces sur dix (mais pas au Québec). Aux Etats-Unis, la naturopathie est régulée dans 17 états. Mais c’est difficile aujourd’hui de progresser. Dans trois Etats (Oregon, Washington et Arizona), les naturopathes ont le droit de prescrire tout ce qu’un médecin prescrit. Ils sont perçus au même titre que les médecins. Mais il ne faudrait pas que les naturopathes, ce que je crains, deviennent uniquement des prescripteurs de biothérapies. Il ne faudrait pas qu’ils abandonnent les principes de la naturopathie, par exemple, le principe de causalité ou le principe de globalité. Les médecins allopathiques, aujourd’hui, attrapent un peu de nutrition, un peu d’acupuncture et font leur promotion avec ça. Par exemple, un médecin peut pratiquer l’acupuncture après seulement 280 heures de cours supplémentaires sans examen alors que pour un non médecin 3654 heures sont requises avec 14 examens. Un médecin peut choisir une option en nutrition de 8H pendant ses études. En naturopathie, on étudie ce sujet sur 675 heures. L’enseignement du diagnostic clinique et de la pharmacopée est équivalent pour les médecins et naturopathes, ainsi que toutes les sciences. Mais les naturopathes étudient en plus la nutrition, les techniques manuelles, la phytothérapie, l’hydrothérapie, l’homéopathie, la relation d’aide. »
Quelques exemples où la naturopathie a surpassé la médecine traditionnelle…
« En 1918, quand la grippe espagnole a ravagé l’Europe et une partie des Etats-Unis, puisque partie du Kansas, jusqu’à contaminer les soldats dans les tranchées, les naturopathes américains ont perdu moins d’1% de leurs patients, alors que les médecins classiques en ont perdu plus de 30 %. Les naturopathes recommandaient à l’époque de l’hydrothérapie, des jus, de l’homéopathie, de la phytothérapie.
Et la boue, quelle guérisseuse ! J’ai vu un voisin se couper très profondément le doigt avec une scie, le sang coulait à flot, je me suis servie de l’achillée millefeuille, de la poudre de Cayenne et de boue thermale. Deux semaines plus tard, on ne pouvait même pas deviner la cicatrice. Sinon, il aurait dû recevoir des points de suture. J’ai connu de nombreux cas de blessures graves chez mes patients ou dans mon entourage qui ont été guéries très facilement grâce aux boues thermales, sans même une cicatrice. On peut même faire des suppositoires avec ces boues : entourés d’une gaze, on peut les introduire dans le vagin pour soigner une dysplasie du col. La boue normalise le tissu du col en une fois, deux ou trois nuits maximum. Cette médecine n’a aucune effet secondaire, ni de contre-indications. En Allemagne et en Tchéquie, ces boues sont même prescrites dans le traitement de l’infertilité qui devient actuellement un problème majeur. Ces boues sont aussi efficaces que les antibiotiques, elles normalisent les sucs gastriques, elles ont un grand pouvoir de cicatrisation, elles n’ont ni goût ni odeur. La médecine classique n’a pas encore découvert ce merveilleux médicament ! »